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lundi 4 juillet 2011

Le Printemps de la Fée Cassandre de Michèle Cazanove

Le Printemps de la Fée Cassandre se passe à l'Habitation Leclerc, un des plus luxueux hôtels du monde des années 70, ancienne propriété de Pauline Bonaparte et du Général Leclerc, situé dans un quartier misérable de Port-au-Prince. C'est l'histoire d'une mère et de sa fille qui seront emportées par la dure réalité du pays.


Un roman de 216 pages publié aux Editions Edilivre. Michèle Cazanove a récemment dédicacé son ouvrage à la librairie Jasor à Point-à-Pitre en Guadeloupe.






Le roman est disponible en version papier au prix de 18euros . Il est  aussi en version pdf pour le prix de 4,90euros sur le site  de l'éditeur. Mais aussi à la librairie Jasor.
www.amazon.fr




Michèle Cazanove est originaire de la Reunion. Elle a vécu en Guadeloupe puis en Haiti pendant 8ans dont 2ans à l'habitation Leclerc.Un ouvrage que nous vous conseillons donc pendant ces vacances. L'auteure vit en Guadeloupe. Au détour d'une rue, vous pourriez la rencontrer !!!

TEMOIGNAGE DE PATRICK SABATIER


Fils de Karine Sabatier, Directrice de l’Habition Leclerc dans les années 70.
A la suite de ce témoignage de la vie d’un jeune garçon insouciant à l’HL, je rapporte un extrait du roman qui met en scène une réalité tout à fait différente…

Patrick Sabatier :
“Martine et Karine m'ont passé ton dernier ouvrage évoquant en long et en large l'Habitation Leclerc de mon enfance.
Et, effet madeleine ou blanc manger oblige, mille flashes jaillissent, promenade dans ce livre comme dans mes souvenirs sans nostalgie juste bonheur des expériences que peut offrir la vie et chance de les avoir vécu avec gourmandise et curiosité...
Tourbillon de beautés fatales, mannequins venant de New York et jeune domestiques à la beauté animale, déjeuners au bord d'une des nombreuses piscines fait d'un ovomaltine, d'un thé glacé et d'un club sandwich, parties interminables de backgamon à la nuit tombée dans un sublime salon en acajou avec des milliardaires ivres buvant du ti’ punch et perdant quelques dollars face à "un enfant de la maison", dîners dans la sublime salle à manger avec des dizaines de serveurs virevoltants comme dans un ballet et ma mère à la manœuvre… Traversée du quartier de  Carrefour dans la vieille américaine de mon père avec le chauffeur roulant à tombeau ouvert en égrenant les noms de l'équipe de football d'Haïti (Sanon,Nazaire,Philippe Vob'e, Marion Ti’ Pousse, les Frères Saint Villes) ou en commentant des matchs imaginaires entre le Violette et Dom Bosco…
Chaleur moite, souffle des pales de ventilateur tournant au plafond et bruits de la forêt et de l'orage dans la nuit tropicale, petit déjeuner avant l'école partagé avec Karine pas encore couchée mangeant du caviar et buvant du champagne pendant que je trempais des tartines dans mon chocolat chaud, ballades au cœur des bidonvilles avec mon frère pour aller retrouver l'équipe de foot que nous avions créée…
Joyeuse bande d'amis jeunes, beaux, métisses et un peu fous de mes parents avec lesquels nous partagions fous rires et journées sur des plages désertes et paradisiaques à quelques dizaines de kilomètres au Sud de Port au Prince..

Phrase du livre qui me renvoie à Gaspard, né à Rio il y a 5 ans... Une phrase sur ta fille qui "éclate d'un grand rire faux ... de toutes façons il sonne toujours faux, ce rire que j'aime par dessus tout..."

Abraco.
*  *  *



Galerie Cazanove 


Extrait du roman

Deuxième cahier



La vraie mort est celle des autres
qui déposent entre nos mains leur agonie…

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Ce fut à cette période que nous surprirent les reportages que des journalistes suicidaires, pris dans le mirage de la démocratie prônée par le gouvernement, entreprirent sur le nord-est. Par le miracle de la télévision, le peuple de l’arrière-pays, cette multitude de fantômes à laquelle les médias ne s’associaient jamais, se mit à prendre corps.

Devant la mise au jour d’un tel dénuement, nombre de touristes se détournèrent d’Haïti et par conséquent de l'HL. En revanche, beaucoup d’Haïtiens y affluèrent, choisissant cette sorte de territoire de la libre-pensée pour s'exprimer ouvertement.
Au Salon Noir, juste au-dessus du bar, une télévision, que nous n'allumions jamais, devint le point central de nos soirées.
En voyant défiler les images du nord-est, je nous revoyais avec Richard et Alix, Cahesse et Herrel, en randonnée touristique dans le Nord.

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 La surexcitation qui s’empare de notre groupe devant les reportages télévisés ne tarit pas. Le peuple, cet océan dans lequel les nantis ne forment qu'un esquif, est entré dans nos vies par le biais de la télévision, et nous allons devoir vivre avec lui.
C’est le plein hiver et un grand vent s'est levé. La vague de froid qui s’empare du monde cette année ne nous épargne pas ; il fait nuit dès cinq heures du soir et les soirées sont glaciales.
Nous sommes au Salon Noir, installés avec nos amis devant la télévison qui passe Les Actualités d'Haïti.
Des images que je croyais enterrées défilent. Sol écaillé, cailles aux corsets de sel… En gros plan, devant un abri branlant, un visage d’enfant - le même que celui aperçu à Fonds Rouge ? - emplit le petit écran. Je reçois en pleine face son regard d'aveugle, sa bouche ouverte à la mâchoire pendante et figée sur un cri non pas inaudible pour des raisons de distance ou autres, mais bien silencieux car émis sur un plan inaccessible aux sens.
Cette vision me rappelle l’oeuvre de Munch : Le cri. Un cri plein de tension, aux ondes virulentes et qui parle de souffrance donc de vie et cette oeuvre que j’aime tant me paraît dérisoire. L'enfant de la télévision pousse, les bras ballants, un cri sans vie. La souffrance montre là une facette d’elle que je n’imaginais pas : il existe, comme pour les sons, une ultra-souffrance.

Ce soir, nous consultons les chaînes américaines qui captent par satellite les images de la terre. Les bulletins météorologiques concernant l'arc antillais se répètent, identiques. Un grand ciel bleu, une page entièrement bleue occupe tout l'écran et Haïti s'y dessine comme avec un scalpel. Pas de pluie depuis des mois et à observer ce bleu si pur s’approprier tant de place, il n'y en aurait pas avant longtemps. Des vues de plaines caillouteuses et de formes humaines décharnées succèdent à la météo. Richard fixe le poste, les phalanges si serrées sur son verre, heureusement épais ! qu’elles en sont blanchies.
Alix ne tient pas en place :
- Qu’on regarde la télé ou pas, qu’est-ce que ça change ? l’histoire est déjà écrite ! Tous ces gens sont déjà morts !
Il a un geste fou, comme pour balayer les mots et l’espoir et nous avec.
- Le mal est déjà fait.
Il marmonne : … toute cette souffrance… certainement il y a un sens…
- Quel sens ? gémit Richard. 
C’est à son tour de lever les bras et de les jeter en arrière comme pour se débarasser de tout ça.
Moi non plus je ne m’explique pas cette désolation, pas plus que je ne m’explique notre place dans ce pays. Je vois bien l’image que nous formons au Salon Noir, nos verres à la main, cherchant un sens à une situation tellement éloignée de la nôtre !  Et, à l’autre pôle du pays, dans le nord-est, je me représente clairement un autre tableau : des hommes des femmes et des enfants se traînant dans des plaines de terre sèche et de cailloux et de boue et de sel.
L’absurde me saisit alors, rendant tout intolérable, surtout notre propre existence.

Au petit matin, Richard me raccompagne. Nous tanguons à travers les fougères. Il marmonne : Il faut faire quelque chose… Quelques gouttes de pluie nous surprennent ; une pluie rachitique, dispersée, si fine qu'elle donne une impression de sécheresse - on dirait des poignées de sable échappées du ciel. L’espoir lève nos regards vers le haut et nous ne voyons que du bleu qui, si tôt ! pointe derrière l'opaline céleste. Nous nous souvenons alors du bleu impitoyable vu quelques heures auparavant à la télévision, un bleu qui balayait les promesses du ciel, récusait tout espoir de pluie dans cette zone du monde.
- Eux aussi ont dû la percevoir, cette pluie de merde ! s’énerve Richard en parlant des habitants du nord-est. Comme ils n’ont pas accès aux images des satellites américains, ils croiront qu’elle viendra. Ca leur permettra de tenir un jour de plus en attendant ce que le peuple, ici, espère chaque jour : le miracle !




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1 commentaire:

  1. Le titre du roman m' inspire surtout si l'histoire se passe dans les années 1970, époque où Haïti connaissait ses heures de gloire puis capota dans une ère plus sombre; tiens pourquoi pas, je le lirai prochainement je pense. Nanadydy

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