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jeudi 25 août 2011

"Le Désespoir des heures de pointe" de Rebecca Wengrow.


Le Désespoir des heures de pointe, ce sont sept nouvelles. Une urgence à dire comme il faut se dépêcher de vivre. Comment trouver un semblant de liberté quand le mécanisme du quotidien vous écrase, quand le souvenir est trop fort, quand la justice vous accable, que les ados sont à dos de mère et que l’armée rend les soldats fous… d’amour.
Rebecca Wengrow observe le monde et elle nous entraine dans son univers.
Ouvrage d'une écriture agréable et fluide où le lecteur peut facilement imaginer être l’un des personnages.
Le roman est publié par BSCpublishing, est disponible à fnac.com et Amazon.fr.ainsi que dans de nombreuses librairies.
L'équipe A.W.A vous le conseille vivement.
Rebecca Wengrow  sera en dédicace le 22 septembre à la WIZO et le 22 octobre, au Salon de Ste Maxime.





Rebecca Wengrow, la quarantaine, vit avec ses deux fils en région parisienne. Depuis des années, elle garde dans son tiroir des récits et des nouvelles. En 2006, sortie du premier recueil, qui, grâce au travail et à la passion de certains libraires, fut très bien accueilli.  Rebecca Wengrow participe à l'écriture de courts et longs métrages, finalise son premier roman et vient de terminer une pièce de théâtre.

mardi 23 août 2011

Les secrets du cerveau féminin du Dr Louann Brizendine


On sait depuis longtemps que les hormones affectent notre comportement et notre perception du monde. Mais il aura fallu attendre les progrès de la science, et particulièrement de l'imagerie cérébrale, pour prouver que le cerveau a un sexe.
Pourquoi les femmes sont-elles plus intuitives ? 
Pourquoi ont-elles tendance à éviter les conflits, à moins penser au sexe que les hommes ?
 La réponse à ces questions et à bien d'autres encore se situe dans la biochimie de leur cerveau. Anecdotes et cas d'étude à l'appui, ce livre passionnant est d'une importance cruciale dans le débat contemporain sur l'identité humaine, la part de l'inné et de l'acquis, et l'aventure génétique.

Le docteur Louann  se propose donc d’étudier le comportement de ces femmes par tranche d’âge. Nous découvrons  les secrets du cerveau féminin. Une étude très intéressante  qui permet de comprendre un certaine nombre de choses.

Extrait:

Après 30 ans de vie commune Robert n’en croyait pas ses oreilles quand il entendit des phrases comme :
« Débrouille toi pour te faire à dîner ou va au restaurant. »
« je suis en train de peindre»
Elle lui avait cloué le bec.


dimanche 21 août 2011

Au delà de la vérité de Colette LINA-DUBAIL


Une famille unie, comme tant d'autres qui mène une vie heureuse jusqu’ au moment où le passé de Steve le rattrape et à partir de ce moment-là, tout refera surface avec comme fond de toile une lutte inlassable avec l'inconnu, la jalousie, les médisances des uns et autres et une vérité impossible à établir.  L’apparition de faits tout aussi étranges trouvant une explication à un moment donné et qui s'écroule devant des scènes les plus inattendues qu'imprévues confère une particularité à ce roman. Un montage de questions, des incompréhensions, même pour Prisca, des désordres de tout genre pour finalement remettre les pièces de puzzle en ordre. L’écriture est fluide, l'histoire nous incite à connaître la fin, car bizarrement au moment où on croit que l'histoire se  tient, le jeu de dominos s'écroule, les gens nous étonnent. La conclusion c'est de ne jamais juger au départ, car là des surprises apparaissent bonnes comme moins bonnes d'ailleurs...suspens jusqu'à la fin, donc accroche jusqu'à la fin.
Colette LINA-DUBAIL signe son premier roman aux Editions Nestor (aux Antilles). Le roman peut être acheté directement chez l'éditeur. Nous croyons savoir que les Editions Nestor ne tarderont pas à avoir une distribution sur la métropole. Nous leur souhaitons bonne chance.(A.W.A)







Belgo-Martiniquaise,
Colette LINA-DUBAIL
est née en Belgique en 1954.
A 16 ans, elle gagne un concours de poésie, écrit poèmes, essais et romans. Tout en se consacrant à ses études littéraires et à son métier de danseuse et comédienne.
Après un doctorat en Lettres et plusieurs prix de conservatoire, elle fonde son école de danse, spectacle et de littérature, dont elle en assure la direction.

dimanche 14 août 2011

La Jarre d'Or de Raphaël Confiant.

Augustin Valbon se mit à pelleter le sol humide, couvert de feuilles mortes, avec une énergie qui le surprit lui-même. Il buta d'abord sur des roches, énormes, qu'il lui fallut enlever à la force de ses bras et qui roulèrent avec fracas dans la sombre ravine qui bordait l'endroit et d'où l'on entendait monter ces étranges vagissements des tiges de bambou lorsque le vent les frotte les unes contre les autres. Ce labeur épuisant dura un paquet d'heures jusqu'à ce que la pelle cogne quelque chose et lui échappe des mains. La jarre ! La jarre de livres bannis ! Il la voyait. Aux Antilles, au temps de l'esclavage, les riches planteurs békés craignant des révoltes enterraient leur fortune dans des jarres en un lieu tenu secret.







Dans les années cinquante, le bruit courut qu'une de ces jarres contenait aussi des livres aux pouvoirs mystérieux. Ces livres semblent à portée de main d'Augustin Valbon. A moins qu'il ne s'agisse d'un mirage, ou d'une diablerie... Si elle est bien réelle, cette découverte pourrait changer le destin du jeune homme ! Car, pour l'instant en rupture de ban avec sa famille bourgeoise, Augustin vivote dans le quartier mal famé des Terres-Sainville...



Quête initiatique et formidable roman d'aventures, La Jarre d'or est aussi une réflexion sur le mystère de l'écriture et la condition de l'écrivain dans une culture dominée par l'oralité.(Source Amazon).




Né en 1951 à la Martinique, auteur de nombreux romans, essais ou poèmes, Raphaël Confiant est aujourd'hui l'un des chefs de file du mouvement littéraire de la créolité.







Publication A.W.A

mardi 9 août 2011

Ernest Pépin à propos de Maryse Condé



Maryse CONDE, par l’abondance de son œuvre, par l’originalité de ses positions et de ses prises de position, par la qualité de son écriture, par la richesse de sa vie personnelle, est pour moi un écrivain-continent. Cela signifie qu’elle a réussi à s’auto-créer en reniant toutes les filiations antérieures et à engendrer un monde littéraire qui a sa cohérence, sa pertinence et sa densité.

                  Elle a l’immense mérite d’avoir renouvelé la littérature caribéenne en revisitant de façon critique les voies toute tracées et en proposant des chemins nouveaux pour arpenter le monde.

                  Toute son œuvre doit à cette exigence de lucidité qui l’habite, hors toute tricherie compensatoire et toute rêverie jubilatoire. Il n’est donc pas surprenant qu’elle apparaisse, avant tout, comme l’écrivaine de la démystification dont l’humour et l’ironie mettent à mal les héroïsmes surfaits, les grandeurs pyramidales, les camouflages de la misère morale et intellectuelle que sont les vérités pompeuses et les alibis mensongers.

                  En ce sens son œuvre charroie davantage de combats qu’on ne le croit et qu’on ne le voit.

                  Combat contre l’omnipotente négritude accoucheuse d’une Afrique mythique avec notamment ,HeramakhononUne saison à Rihata et Ségou.

                  Combat contre une conception idéaliste de l’identité antillaise avec La Vie Scélérate, Traversée de la mangrove, les Derniers rois mage, Désirada.


                  Combat contre l’effacement de la mémoire avec Moi Tituba.


                  Combat contre les utopies faciles avec la Colonie du nouveau monde.


                  Ce caractère polémique et presque militant a souvent échappé à une critique qui se laisse trop souvent abuser par la fausse sérénité affichée par le discours de l’œuvre. En effet, chacun de ses romans entreprend de faire tomber un pan de nos prisons mentales, idéologiques, littéraires et politiques afin dégager la perspective et de donner à voir la liberté du regardant et du regardé.

                  C’est cela le maître mot de Maryse CONDE : la liberté.
Non pas une liberté portée par les ailes de plomb des dogmes, non pas une liberté étroitement circonscrite à sa race, à ses origines, à son sexe, mais la liberté absolue qui fait de tout être humain une spéculation à la fois tragique et épique. Je veux dire un vivant qui forge sa beauté et sa grandeur dans l’épreuve de l’opacité du réel et dans l’inédit des situations.

                  Dès lors, elle s’emploie avec des pelletées de mots à débarrasser nos imaginaires de tous les obstacles qui empêchent la libre expression de l’humain. Et voici tout soudain, le racisme, le machisme, les mémoires mutilantes et limitantes, l’essentialisme, le nationalisme ramenés au rang de masques défigurés par l’imposture.

                  En clair, le combat de Maryse CONDE fait le pari de l’intelligence contre toutes les tenaces déclinaisons de la bêtise humaine qui encombrent l’horizon de notre fin de siècle. Il y a en cela un côté « flaubertien » de Maryse CONDE alors même que son œuvre pourrait laisser croire à une parenté balzacienne.

                  La question essentielle que se pose Maryse est la suivante : quelle part d’héritage assumer pour me débarrasser des héritages ? Autrement dit, pour être libre d’inventer mon allant et mon élan. Alors, elle s’aperçoit qu’il est des héritages truqués (la négritude, l’Afrique) ; qu’il est des héritages inacceptables (la condition de la femme) ; Qu’il est des héritages stériles (la sacro-sainte question de l’identité) ; Qu’il est des héritages occultés (la mémoire du mémorable) et qu’il n’y a qu’un seul héritage qui vaille : celui que Pavèse appelle « le dur métier de vivre ». De même que la nature fait s’entrechoquer les plaques tectoniques, de même Maryse CONDE fait s’entrechoquer les héritages et leurs fictions en faisant trembler nos certitudes.

                  Loin de moi l’idée de dessiner le portrait d’une contestataire à tous les crins qui ne saurait que s’oppositionner ! Albert CAMUS a écrit dans L’Homme révolté que celui qui dit non le dit au nom de quelque chose. Ce qui revient à penser que tout non suppose un oui caché et agissant. Lire Maryse CONDE nous impose d’exhumer ce à quoi elle dit oui dans une œuvre qui fait part belle aux incertitudes, aux doutes, à l’ironie avec un fracas d’idoles brisées. Il suffit pour ce faire de passer en revue ses cibles. Pour elle, il n’y a pas de paradis perdu et de même que Nietzche proclame la mort de Dieu, elle clame la mort du mythe compensatoire d’une Afrique exclusivement positive et essentiellement nègre. De ce fait, elle réintroduit l’Afrique dans le courant de son historicité avec ses forces et ses faiblesses. Cela signifie qu’elle réhumanise l’Afrique que la négritude avait trop souvent momifiée, réifiée et chosifiée. « La morale de Kant est pure mais elle n’a pas de mains » a fait remarquer Hegel. L’Afrique de la négritude a l’inertie de cette morale abstraite. Cela, Maryse CONDE me l’a enseigné, sans théories, mais avec le pouvoir décapant de son écriture en me plongeant dans une histoire qui comme celle des autres pays, navigue entre cruauté du réel et espérance des vivants.


                  Pour Maryse CONDE, l’identité toute faite, semblable à une armure que l’on endosse n’existe pas. Ni identité nègre, ni identité antillaise, ni identité créole ne trouvent grâce sous sa plume. Elles ressemblent trop à des leurres justes bons à cacher le sexe de nos existences. Ce qui existe, c’est d’une part la condition humaine, d’autre part la nécessité d’être en situation et enfin la capacité que nous avons d’assumer ou de fuir. Dès lors, l’identité se conçoit comme le réceptacle de l’existant tel qu’il se vit à travers de multiples expériences et des lieux divers. C’est pourquoi elle dit oui à l’interaction entre l’identité et la liberté inhérente à tout être humain. Avec elle, la partie n’est pas jouée d’avance. Elle se construit au fur et à mesure de nos avancées, de nos aventures et des avatars.

                  Pour Maryse CONDE, il n’y a pas d’essence féminine à exalter ou à dénigrer. Il y a une condition de la femme avec sa part d’oppression à refuser, de libération à accomplir et sa par d’humanité – qui transcende le sexe – à épanouir. L’homme n’est d’ailleurs jamais présenté en vainqueur dans son œuvre. Il semble tout aussi désemparé, tout aussi déconstruit, tout aussi problématique et pour finir tout aussi malheureux que les personnages féminins.

                  Pour Maryse CONDE, il n’y a pas d’enracinement primordial et partant pas de culte de la nation. On trouve, au contraire, la conscience d’appartenir au monde tel qu’il est, d’être relié malgré tout à des communautés plurielles et d’avoir à lutter, là où l’on est, pour donner du sens à sa vie.

                  L’architecture de son œuvre nous révèle qu’elle veut casser le miroir fabriqué par les histoires coloniales pour ne pas devenir prisonnière des colonisations passées, présentes et à venir. Avec Frantz FANON, elle ne veut pas être esclave de l’esclavage car elle sait que pour le colonisé, le plus difficile est de penser en dehors du cadre dichotomique fabriqué par la colonisation. Noir/blanc, maître/esclave, nègre marron/nègre soumis etc. En refusant ce cadre, elle fait exploser tous les autres proposés par les utopies de notre siècle.

                  Force est de reconnaître qu’elle ne casse pas pour casser, mais pour poser une question quasi religieuse : celle du bonheur sur terre.

                  On a beaucoup noté son ton acerbe, son pessimisme, sa critique désabusée en oubliant que tout cela est nourri par un questionnement central : la quête du bonheur.

                  Là encore, ne nous méprenons pas ! Le bonheur dont il s’agit n’est pas la béatitude d’un monde sans histoire. Il serait plutôt de l’ordre d’une possibilité de vivre pleinement sa liberté en adéquation avec les valeurs que l’on s’est données. Il serait de l’ordre de l’épanouissement, de l’harmonie, de la floraison des possibles, de la récolte de soi-même dans les jardins du monde. Pourtant, à en croire Maryse CONDE, ce bonheur là nous est refusé. Et c’est dans cette réponse négative que je vois poindre CAMUS BECKETT et peut être CIORAN aux sources de sa pensée. Le bonheur n’est pas de ce monde mais il n’est pas ailleurs. Le paradis n’est nulle part. La vie serait-elle absurde ? oui et non, nous enseigne Maryse. Plutôt non ! Vivre est toujours une quête, une errance au-delà de toutes les frontières, une désillusion programmée et en même temps refusée. De cette certitude naît une écriture qui fuit les trémolos lyriques, le réalisme merveilleux, la posture métaphysique pour mieux libérer, parfois au scalpel, le chant secret d’une conscience stoïque et caustique. Une écriture dont la beauté ne réside pas dans les effets de style mais dans l’efficacité d’une justesse du ton et dans la précision de la voix. Elle ne se préoccupe point de faire rêver le lecteur. Elle l’initie à un chemin de croix où toutes les couronnes ont des épines. Telle me semble être la grandeur de Maryse CONDE : de marcher en permanence sur le fil de la lucidité sans jamais choir ni déchoir et d’exiger de ses lecteurs le même courge de donner à chaque mot son poids (et son prix) de vérité.

Texte Ernest Pépin 
Publication autorisée

Les responsables du blog et A.W.A remercient Ernest Pépin. 

lundi 8 août 2011

John Steinbeck: Les raisins de la colère


Publié en 1939 aux USA, Les raisins de la colère reçoit le prix Pulitzer en 1940.Pendant, la Grande Depression le lecteur suit les aventures d’une famille pauvre de métayers. L’histoire en elle-même est simple, mais attire beaucoup de lecteurs. La déchéance d'une famille vivant de la terre, espérant quitter leurs cultures dont les banques se sont appropriées ,pour gagner la Californie, terre promise d'alors. Rien à voir avec le rêve américain! L'auteur décrit le parcours de cette famille et de ses membres avec un réalisme poignant.
 Au fil des pages, on se laisse facilement plongé dans cet univers. Nous sommes en 2011 et Les raisins de la colère est toujours d’actualité. Une des meilleures ventes chez Amazon actuellement.
Y aurait –il une explication ?
Pourquoi cet engouement pour ce roman et cette histoire-là ?
Il faut dire que la Grande Depression fut une des premières grandes crises pour les États-Unis et qu’elle aura marqué les esprits. Il est donc normal que les gens s’y intéressent en ce moment. Un roman, qui démontre parfaitement les enjeux économiques, mais surtout sociaux qui ont résulté de la Dépression aux États-Unis.  Les nombreuses crises qui se multiplient depuis des années, donnent une impression de Grande Depression à venir. La dette américaine, la fragilité du système bancaire font penser à  cette période d’incertitude qui précéda la  Grande Depression. On pourrait alors penser sans trop affirmer avec certitudes que c’est la principale raison de cette envolée de vente d’un roman datant de 1939.Les lecteurs se préparent-ils inconsciemment à un événement de cette ampleur ? Personne ne pourrait le dire.

dimanche 7 août 2011

A propos de l'héritage d'Aimé Césaire par Ernest Pepin


Tout grand poète est un astre solitaire qui a su s’arracher à la pesanteur de son temps pour faire exister un ciel que nul avant lui n’a eu le génie d’inventer. Est-il soumis à devoir d’inventaire ? Doit-on d’un œil avide poser la question de l’héritage ? L’œuvre est là qui témoigne comme le plus beau des tombeaux et le meilleur berceau. Elle nous regarde encore tremblante d’avoir pris son siècle à la gorge avec toute la fureur d’un impossible combat. Elle offre en des mots durables le chant d’une conscience bêchée jusqu’à l’extrême et ce qu’elle nous laisse est tout ce qui résiste aux circonstances, à l’éphémère, comme un noyau dur de l’histoire de l’humanité. En ce sens tout grand poète recommence la parole première, pose la première pierre d’une cathédrale que nous pressentons inachevée et totale. A quel ombre se vouer devant tant de lumière ? A quel partage et à quel testament ?
Aimé Césaire fut assurément une voix de secours, ruée contre les malfaçons, les édits coloniaux, les certitudes difformes d’une part de la pensée occidentale. Sa raison fut toute de déraison dans un monde où le discours cartésien et celui des marchands engendrait la tragédie des peuples et la mort de la diversité. Un monde figé dans l’imposture des « vainqueurs omniscients et naïfs ». Un monde qui avait fabriqué de toute pièce l’essence noire comme une caricature publicitaire et comme objet de toutes les dominations et de toutes les damnations.
L’Afrique, terre conquise, martyrisée, dépecée, exploitée, dépouillée, devenait ce non-lieu, cette chose, où l’homme se devait de déserter l’humain afin de légitimer l’arrogance des prédateurs et la bonne conscience des pillards. Et c’est d’une petite île qu’on dit Martinique que jaillit la dénonciation, le procès, la mise en accusation de la falsification de l’humanisme au nom de l’humanisme vrai. C’est cela le premier héritage : de nous avoir enseigné la déconstruction des philosophies de la colonisation et par-delà de toutes les formes insanes de la domination. Bien sûr, l’Europe avait Marx et le surréalisme mais elle était ignorante de ses failles intellectuelles et de sa faillite suicidaire dans les tranchées de la première guerre mondiale ou dans les camps de concentration de la deuxième. Dire qu’Hitler n’était pas un accident c’était dire qu’il y avait dans la pensée européenne le squelette des génocides.
Là est l’héritage !
Dans l’obligation de traquer en tout acte et en toute parole le germe de la barbarie et de la déshumanisation. Comprendre cela c’est comprendre que la négritude ne fut pas une affaire de nègres mais un levain pour tous les damnés de la terre y compris ceux de l’Europe.
Et pour en arriver à cette insolence salvatrice, à ce réquisitoire implacable, à cette démesure de l’imaginaire, il fallait un socle, un point d’appui, et ce fut cette descente impitoyable dans ce qu’il est convenu d’appeler la condition existentielle de l’homme noir. Descente du moi dans le ça freudien. Descente mais descente en armes qui convertit le désespoir en lucidité, la blessure en sacralité, la soumission en rébellion, le sens de l’histoire en histoire du sens, et la folie du racisme en libération mentale.
Là est l’héritage !
De découvrir qu’il n’est point de destin ni d’anti-destin et qu’il y a dans toute situation une liberté qui ne demande qu’à fleurir. Sous la peau (la soi-disant peau !) la condition n’est pas le fruit d’une donnée naturelle et immuable elle est le résultat d’une histoire. Questionner cette histoire jusqu’au sang des mots, visiter son historicité, exhiber sa face cachée, l’habiter dans tous ses compartiments, oblige le colonisé à sortir de sa tanière pour rechercher l’oxygène de la connaissance de soi et par conséquent de la connaissance de l’autre. Autrement dit de la connaissance tout court.
C’est cela l’arme miraculeuse !
Non point passion, ni même émotion et encore moins pulsion mais lisibilité qui fonde une légitimité à dire, à faire, à combattre. Cette légitimité là, il nous appartient de la conquérir dans le chaos de notre XXIème siècle.
Au nom de quoi devons nous parler ?
Non pas au nom de la négritude mais au nom de tous les écrasements, de tous les égarements, de tous les crachats où l’être humain s’ensauvage. Lorsqu’un homme se met debout face à un tank, il y a dans cette scène une part de négritude qui se lève. Lorsqu’un peuple se fait massacreur, il y a dans ce contexte une part de négritude qui se nie. Libérer l’autre de ses démons, l’amener à exorciser ses contradictions et lui faire comprendre que lui aussi n’est qu’une construction idéologique et qu’il doit se défaire de sa « peau » idéologique. Tel est le grand défi ! Et il en coûte de le relever pour se relever soi-même. Cela Aimé Césaire nous l’a enseigné et nous ne pouvons pas l’oublier. La conscience se fait méthode et la méthode permet d’illustrer un point de vue (un lieu d’où l’on voit) anthropologique, philosophique et moral.
Il est de bon ton de nos jours de se gausser de la morale comme d’une sorte de vieillerie tout juste bonne à être vendue au marché aux puces. C’est oublier que la morale est l’un des piliers de l’être humain. Il suffit de désarmer la morale pour ouvrir la voie à l’injustice, à la cruauté, au cynisme et à la violence. Cependant la morale n’est pas une abstraction. Elle se concrétise dans des rapports, des relations, des liens.
Et c’est cela aussi la belle leçon d’Aimé Césaire !
De rechercher constamment le point de vue de la morale. Je veux dire de la justice. Sous sa plume la colonisation est immorale et injuste. Pis, elle est injustifiable ! Les colonisations d’aujourd’hui ne concernent pas seulement des territoires, elles s’en prennent également à l’esprit, à l’imaginaire, à l’intelligibilité et même à l’intimité. Elles ajoutent à la domination une obscénité d’autant plus insupportable qu’elle est voilée.
C’est à ôter tous les masques que Césaire nous a convié.
Les masques de l’histoire. Les masques de l’idéologie. Les masques des hypocrisies. Les masques des mystifications. Epouser notre nudité, notre rectitude en refusant le masque de tous les masques : le dogme accoucheur de haine.
Le noir n’est pas l’ombre du blanc ! Le blanc n’est pas la lumière du noir ! La question des couleurs impose un dépassement dont le terme est l’homme dans sa diversité et dans son altérité. D’ailleurs, il n’a jamais été question de couleur mais de négation et d’omni-niant crachat, d’esclavage avec toutes les conséquences que cela suppose. Précisément le refus du droit à la différence ! C’est-à-dire l’imposition du même, de l’UN pour parler comme Edouard Glissant. Toute civilisation élabore sa représentation du même et par conséquent construit sa machine à exclure l’autre. Comment casser ce mécanisme ? Là est toute la question. Aimé Césaire la pose en toute innocence et en toute pertinence. Ce que nous nommons aujourd’hui diversité est déjà contenu dans la différence. A ce détail près, la diversité multiplie alors que la différence isole. Donner droit de cité à la différence c’est postuler la diversité. Cette diversité nous en sommes comptables, responsables. Nous sommes les gardiens de nos frères par-delà les différences. En creux une solidarité nous oblige. Une fraternité nous appelle. Naïveté dira –on ! Lorsque toute l’histoire humaine est jalonnée d’actes infraternels. Utopie chrétienne ! Mensonge républicain ! Peut-être mais l’exigence de fraternité, la plus haute des exigences, soude l’humanité en un tout-monde interdépendant et solidaire. Homme cafre, homme hindou de Calcutta, homme de toutes les différences, femmes de toutes les douleurs, enfants de toutes les souffrances, en reconnaissance réciproque et en relation ouverte, en chair du monde toujours à refaire.
J’appelle cela un héritage de consanguinité et d’horizontalité ou si l’on préfère un héritage d’équivalence. La pointe aiguë de la poésie a dessiné pour nous cet héritage en brisant les fausses hiérarchies et les échelles truquées.
Mais il est un héritage dont je voudrais parler c’est l’héritage de nous-mêmes !
Nous-mêmes débarrassés de cette part écrasée de nous comprenant mieux la geste de Toussaint Louverture, la tragédie du Roi Christophe, le martyr de Patrice Lumumba, le rêve de Martin Luther King, l’acier de Malcom X, le combat de Nelson Mandela, le « yes we can » de Barack Obama, non pas pour nous seuls mais pour tous. Oui la lutte est longue et le génie d’Aimé Césaire c’est de l’avoir condensée en un trou noir capable d’absorber les forces de l’universel. Ce mot fait peur aujourd’hui ! Alors parlons des forces du diversel. Cet héritage là est peut-être plus lourd à porter que les autres.
En ce XXIème siècle naissant où les foudres de la technologie, les prétentions des manipulations génétiques, les passions religieuses, les faillites du libéralisme, les tropismes de l’émigration, les fragilités de l’écosystème, les instabilités boursières, les effervescences guerrières, les émergences imprévues, bousculent toutes les formes de stabilités connues, il y a lieu de nous adapter pour donner au monde la meilleure part de nous-mêmes. J’entends la part d’un imaginaire où nous ne serons plus l’autre, ni la monstruosité, ni le folklore du monde, ni les colonies de vacances, ni les laissés-pour-compte, ni les assistés ou les étranglés du FMI, ni le carnaval des autres, ni les repoussoirs, ni les repoussés, mais tout simplement partie prenante du monde, bâtisseurs d’un autre possible du monde, respectueux de nous-mêmes et des autres.
Nous ? Que l’on n’entende pas les noirs ou les nègres mais les hommes noirs, les femmes noires, les hommes et les femmes tout simplement.
Reste l’héritage de la question de la culture. A l’heure où la culture est devenue une marchandise, un produit de consommation, il semble important de souligner la valeur (humaine) de la culture. Le tout-culture fut une illusion lyrique. Cependant nul ne peut nier qu’Aimé Césaire a fait de la notion de culture – telle qu’il la concevait - l’expression même de la liberté.
Il nous lègue ce primat de la culture et nous devons l’accepter en admettant tout de même que la culture n’est pas un en-soi secrété par on ne sait quelle identité immuable.
Notre XXIème siècle tend à privilégier jusqu’à l’indécence la culture médiatisée, c’est-à-dire la non-culture. De ce fait la question demeure ouverte. Quelle culture pour ce siècle ? Et pour finir quelle poésie pour ce siècle ? C’est à nous de répondre ! Juché sur les épaules d’Aimé Césaire, nous pouvons mieux embrasser les perspectives et apprendre à questionner les questions de notre temps. Savoir oser les bonnes questions est certainement l’héritage majeur d’Aimé Césaire. Alors, gardons la foi sauvage du sorcier et devenons :
Homme d’initiation
Homme de terminaison
Homme de proue !
En ce siècle désaccordé où la parole est brouillée par tant de parasites nous avons mission d’inventer l’harmonie (qui n’est pas l’uniformité) de notre temps. Contre quoi se rebeller ? Les lignes de fractures n’ont plus la netteté du passé. Les détecter sera toujours notre héritage.
Les Amériques dans tout cela ? La Caraïbe dans tout cela ? Revenons à l’ouverture du Cahier d’un retour au pays natal et comprenons. Comprenons que nous habitons des possibles assassinés. Nous habitons aussi des possibles en gestation. Comprenons que nous nous sommes emparés des idéaux de la révolution française (alors même qu’elle s’est souillée et trahie avec Napoléon Bonaparte !) pour revenir aux sources d’un droit imprescriptible : le droit à la liberté ! Comprenons qu’en ce XXIème siècle, nous ne sommes plus le brouillon ni le décalque de l’Europe. Nous sommes notre monde dans le monde. Comprenons que l’héritage consiste à nous accepter et à nous dépasser. Césaire parlait de remontée jamais vue moi je parle de création incessante de soi enjambant les fragmentations géographiques, les barrières linguistiques, les diversités politiques. Je parle d’une émancipation qui va à tâtons et qui sait où elle va. Je parle des Amériques et de la Caraïbe comme d’une alternative aux cécités antérieures. Je parle avec Derek Walcott d’une unité sous-marine. Je parle d’un nègre qui est métis, d’un métis qui est créole, d’un créole qui est le dernier né du monde. Je parle aussi d’un blanc qui depuis longtemps n’est plus européen parce que lui aussi est créole. Je parle enfin de combats à venir. La tache de l’homme n’est pas finie ! Ai-je puisé tout cela dans l’héritage d’Aimé Césaire ? Pas tout à fait.  J’affirme néanmoins que sans cette formidable poussée initiale, je ne l’aurais pas trouvé.
L’héritage de Césaire ? Disons plutôt les héritages de Césaire ! Entre compassion et révolte, l’immense amour de l’avenir ! La force de regarder demain !
Et cette langue qui m’énonce, me dénonce et m’accouche traversant la langue française pour faire entendre le jazz de mon vagissement. Cri nègre ! Que non pas ! Que non plus ! Cœur syncopé de mes boutures multiples me faisant multipliant et plus certainement la belle roue de l’arbre du voyageur de mon siècle.

Ernest Pépin


(Discours publié par A.W.A) .Autorisation d'Ernest Pépin

samedi 6 août 2011

L'Exil selon Julia de Gisèle Pineau.


L’Exil selon Julia c’est un peu l’exil de tout antillais. Difficile de vivre dans cette Ile-de-France inhospitalière, au cœur des années 60, lorsqu'on est une petite Guadeloupéenne exposée à la compassion ou à la dérision des " Blanche-Neige ", " Charbon et Cie " ou autres appellations pas vraiment drôles... Gisèle a une alliée : Julia, dite Man Ya, la grand-mère, venue en France pour fuir les brutalités de son mari.( une question bien antillaise que traite  ici Gisèle Pineau).
 Man Ya qui ne se résout pas à cet ici-là de froideur et de mépris, à ces villes bétonnées, à ces mots indéchiffrables, à cet hiver continuel. Pour l'enfant Man Ya sera le refuge d'amour et de sagesse ; elle lui donnera la plus belle patrie qui soit, celle de ses mots et de sa mémoire chantante.

Nous retrouvons dans Man Ya tous les Man Ya de l’île. Celle de notre enfance. Une Man Ya qui nous parle, nous comprend et que l'on adopte au fur et à mesure de ces pages merveilleuses. Des pages que l’on quitte difficilement. Un roman qu’on a envie de relire une fois la dernière page terminée. On retrouve ici la magie de Gisèle Pineau, romancière Guadeloupéenne qui nous transporte dans ses souvenirs d’enfance. On s’y attache très vite. Si on a jamais lu Gisèle Pineau peut- être L'exil selon Julia est un excellent début pour faire connaissance avec elle.(A.W.A)

mercredi 3 août 2011

Liberté Feuille Banane de José Robelot


Publié aux Editions l’Harmattan,  dans Liberté Feuille Banane  José Robelot ( guadeloupéen), décrit dans une langue généreuse , riche, à la fois poétique et réaliste, un peuple en construction dans toute sa complexité, aux prises avec ses propres contradictions. L’amour, l’intolérance, le sacrifice, l’arbitraire, l’injustice, le racisme se côtoient au fil des pages et constituent la réalité du «  tous-les-jours » nègre.
Sur l’île de dix-sept lieues de tour, l’année 1848 marque un tournant historique mais la liberté récemment conquise est fragile.
Un an plus tard, des colons dont le maire de Grand –Bourg usent de la fraude électorale pour assurer le succès de leur parti lors des premières élections législatives. Il s’ensuit une vive réaction de la masse et une répression sanglante qui fait de nombreuses victimes.
Liberté Feuille Banane revient sur cet événement tragique et méconnu de l’histoire de Marie-Galante et de l’archipel  guadeloupéen.
José Robelot est né à Saint – Louis de Marie-Galante. Il sera présent à la bibliothèque Guy Tirolien à Marie-Galante  le 12 août 2011 en dédicace.

En première partie, lecture scénique d'extraits de Liberté Feuille Banane avec accompagnement de J.Dantin au tambour.


En deuxième partie, échange avec le public.

Le roman est disponible en librairie mais aussi sur Fnac.com et Amazon.fr

lundi 1 août 2011

La rue Cases Nègres de Joseph Zobel.

Publié  par Joseph Zobel, porté à l’écran par la scénariste Euzhan Palcy La rue Cases Nègres est l’un des romans le plus importants de Joseph Zobel écrivain Martiniquais. On tire de ce roman une phrase bien célébre : « L'instruction est la clef qui ouvre la deuxième porte de notre liberté. »
La rue Case Nègres reste un chef- d’œuvre de la littérature antillaise qui mérite d’être lu ou relu par ceux ou celles qui s’y intéressent.
1930, au milieu de l'immense plantation martiniquaise, la rue Cases Nègres : deux rangées de cases de bois désertées par les adultes partis travailler la canne à sucre. Jusqu'au coucher du soleil, la rue appartient aux enfants et surtout à José onze ans, orphelin élevé par sa grand-mère, M'an Tine. L'univers de José, c'est aussi le vieux Médouze , son père spirituel, l'instituteur M. Roc ou encore Léopold, son camarade de classe. M'an Tine n'a qu'un rêve : faire étudier José. Mais pour ce faire, il faudra quitter la Rue Cases Nègres.

La rue Cases Nègres ,le combat d'une grand- mère, Man Tine, afin que son petit fils, qu'elle élève seule, jouisse d'une bonne éducation et d'une instruction lui permettant de devenir fonctionnaire et, ainsi, lui éviter de travailler, sa vie durant, dans les champs de canne.
Au mois de septembre, un hommage sera rendu à l’écrivain martiniquais nous ne 
manquerons pas d’y revenir. Pour, l’instant bonne lecture ou relecture. (A.W.A)
Fiche de lecture : https://www2.bc.edu/~rusch/RCNlivre.htm